Dans le cadre de l’année mondiale de l’astronomie, le CAW a décidé de réaliser une mission au télescope de 80 cm de l’Observatoire de Haute Provence (OHP). Luc Arnold, qui travail comme astronome à l’observatoire, nous a fait parvenir une liste de « cibles » à mesurer. Les deux cibles principales sont des astéroïdes (762 Pulcova et 624 Hecktor) qui sont supposés être doubles. Le but est de faire de la photométrie de ces objets. La photométrie consiste à mesurer la lumière émise depuis des astres et d’en faire une courbe de lumière en fonction du temps ; cette courbe peut donner des informations sur la rotation de l’astéroïde et éventuellement confirmer sa duplicité. Les courbes que nous devons faire seront transmises à Pascal Descamps (astronome à l’Observatoire de Paris) qui est un spécialiste des astéroïdes doubles.
Avant de rentrer dans le récit de ces 7 jours que nous avons passés sous le ciel de l’OHP, voici une rapide description ainsi qu’un bref historique de l’observatoire et du télescope de 80 cm.
L’OHP est situé dans le Sud-Est de la France, près du village de St.Michel l’Observatoire, à une centaine de kilomètres au Nord de Marseille, sur un plateau calcaire boisé de chênes dont l’altitude moyenne est de 650 mètres.
L’observatoire a été créé en 1937 et héberge 4 télescopes principaux : le T80, le T120, le T152 et le T193, ce dernier est à l’origine, en 1995, de la découverte de la première planète extra-solaire.
Le T80, que nous avons utilisé, a été construit en 1930. A l’origine le télescope avait un foyer Newton et un foyer Cassegrain, mais seule la configuration Cassegrain est utilisée actuellement. Sa focale est de 12 mètres et son miroir hyperbolique est de 80 centimètres de diamètre. Le pointage du télescope se fait manuellement en alpha et delta, le suivi en alpha et assuré par un moteur électrique mais nécessite d’être « remonté » toutes les 2h30. Le télescope est équipé à son foyer d’une caméra CCD Andor refroidie à -40°C. Les images ainsi réalisées ont un champ de 7×7 minutes d’arc ce qui est assez faible (pour mémoire la pleine Lune fait 30 minutes d’arc).
Pour cette mission, l’équipe se compose de : Michel [hidepost=0]Maïsseu[/hidepost], Olivier [hidepost=0]Gerteis[/hidepost] (chef de la mission), Hubert [hidepost=0]Gully[/hidepost] et Matthieu [hidepost=0]Bachschmidt[/hidepost]. A l’OHP nous sommes sous la tutelle de Luc [hidepost=0]Arnold[/hidepost] astronome à l’OHP et président d’honneur du CAW.
Nous sommes partis samedi 12 décembre 2009 à 5h30 sous la neige alsacienne, la voiture bondée d’affaires, de souhaits de beau temps et de cieux étoilés.
Le voyage s’est passé sans encombre au travers de la Suisse puis de la France sous un ciel plombé de nuages sombres et gorgés de pluie. Nous étions attendus à 14h par la personne s’occupant de l’intendance afin qu’elle nous remette les clefs des chambres et de la coupole.
Nous sommes arrivés à St.Michel l’Observatoire un peu après midi et demi sous un ciel entièrement bleu et par une température assez agréable. A 14h nous nous sommes rendu à l’OHP et avons pris possession de nos chambres. Comme la météo annonçait du mauvais temps ainsi que de la neige dans les prochains jours, nous avons entrepris une promenade à pied dans l’observatoire afin de visiter les lieux.
En début de soirée le ciel s’est rapidement couvert, Luc nous a rejoint afin de nous expliquer le fonctionnement du télescope. Luc nous annonce que les deux astéroïdes qui nous étaient désignés par P.Descamps ne sont plus à mesurer car P.Descamps a fait les mesures la semaine passée. Luc nous conseille donc de chercher des astéroïdes qui passent à l’opposition ces jours-ci et qui sont peu connus afin de réaliser des mesures et de montrer s’ils sont éventuellement double.
La première nuit fut une nuit de repos (nécessaire vu notre réveil matinal) car le ciel était complétement couvert et la météo n’annonçait pas d’amélioration.
Dimanche, après un petit déjeuner pris dans la salle de contrôle attenante au télescope et quelques discussions diverses et variées, nous sommes allés manger dans un restaurant de Forcalquier à environ 10km de l’observatoire.
En début d’après-midi, de retour, nous nous mettons à chercher des astéroïdes comme conseillé par Luc.
Après avoir décortiqué une liste de 2000 astéroïdes (jusqu’à magnitude 17), Hubert en a sélectionné deux (17665 et 18399), on verra en analysant les données si son choix était le bon…
Le soir, comme le ciel est couvert, nous décidons de «nous faire la main » en manipulant le télescope sur des cibles fictives quand nous nous apercevons, en ouvrant la coupole, que le ciel s’est soudainement dégagé.
Il nous faut une première cible simple, le choix se fait sur l’étoile Deneb du Cygne, le premier pointage est à coté, après avoir repris le pointage au chercheur, l’étoile est visible dans le champ de la caméra CCD.
Deuxième cible : M15 (un amas globulaire dans Pégase), même topo mais l’image est saisissante en 5 minutes de pose.
Troisième cible, une petite galaxie vue par la tranche (NGC7814 dans Pégase), la galaxie est dans le champ dès le premier pointage.
nous commençons à prendre des images de l’astéroïde 17665, pose de 2 minutes, nous reconnaissons bien le champ d’étoiles mais il n’y a rien à l’endroit prévu pour l’astéroïde, moment de doute, mais nous nous rappelons que l’astéroïde a une magnitude de 16,4 et que même avec un télescope de 80 cm il faut poser plus longtemps. Une pose de 5 minutes révèle enfin l’objet tant espéré.
5 poses plus tard les nuages sont réapparus, nous traitons rapidement le peu d’images que nous avons mais c’est trop tôt pour sortir quelque chose de valable. Nous nous couchons vers 2h…
Lundi 14 décembre : grand soleil, beau ciel bleu, nous apercevons au loin les Alpes enneigées et le brouillard qui coule dans les vallées lointaines.
Le soir, le ciel est toujours dégagé mais il persiste des bandes nuageuses à l’horizon. Après notre rapide repas du soir pris dans la salle de contrôle du télescope, Luc nous rejoint et nous propose de nous faire visiter le télescope de 1m93. L’arrivée dans la coupole (au 3ème étage du bâtiment) nous donne le sentiment d’arriver dans la cathédrale de l’astronomie avec au centre l’imposant télescope qui trône sous l’immense coupole.
Un peu plus tard, nous retournons à notre « petit » télescope de 80 cm, nous le pointons vers l’astéroïde 17665 afin de continuer les mesures.
La nuit se passe au gré du bruit de la coupole qu’il faut tourner toutes les 30 minutes, un passage nuageux d’une heure perturbe les mesures entre minuit et une heure du matin.
Vers 5h du matin, nous pointons le télescope vers la galaxie NGC3839 dans laquelle, il y a deux jours, un Japonais a découvert une supernova. C’est Luc qui nous a transmis l’information, afin que nous puissions mesurer, au fil des nuits, l’évolution de sa luminosité.
Fermeture de la coupole à 6h30 et arrivée dans le lit à 7h00.
Mardi 15 décembre, réveil à 14h, direction la salle de contrôle du télescope, il faut traiter les images de l’astéroïde de la nuit dernière afin de sortir une courbe de lumière et voir ainsi s’il vaut le coup de continuer à le mesurer, il va faire nuit dans 3h déjà…
La nuit commence, Luc nous rend visite et au vu des premières données que nous avons sur l’astéroïde 17665 il nous encourage à continuer les mesures sur cet astéroïde.
Recherche des coordonnées de l’astéroïde, pointage du télescope, orientation de la coupole, lancement des acquisitions des images, nous voilà bien rodés.
Nous passons le reste de la nuit les yeux vissés sur nos écrans d’ordinateur afin de chercher des informations sur les astéroïdes, sur des objets à viser et sur l’indispensable carte météo.
A 4h du matin, l’astéroïde n’est plus observable car trop bas, nous continuons alors sur d’autres cibles.
Nous terminons la nuit à 6h30 alors que les constellations du printemps se lèvent, nous rejoignons rapidement les chambres car dehors il fait -8°C.
Mercredi 16 décembre, lever « aux aurores » vers 14h, nous partons pour Forcalquier faire des courses car les stocks de vivres que nous avons fondent à vue d’œil et Olivier a besoin de quelques médicaments car il commence à se sentir fiévreux, le pharmacien lui propose un médicament à prendre matin, midi, et soir avant de se coucher. Le pharmacien nous regarde étrangement quand nous lui indiquons que pour nous le matin c’est à 14h, midi vers 19h et le début de la nuit à 7h…
Nous revenons à l’OHP en fin de matinée à 17h sous un ciel plombé et menaçant et commençons le traitement des données de la nuit. Luc nous rejoint un peu plus tard, une longue discussion commence sur l’interprétation de nos courbes de lumière de notre astéroïde. La discussion est tellement passionnante que nous ne pensons pas à regarder l’état du ciel, c’est seulement vers 22h que nous nous rendons compte que les nuages ont laissé place aux étoiles.
Après une focalisation un peu compliquée du télescope nous mettons en route la série de poses sur l’astéroïde. La prise d’images est très routinière et consiste essentiellement à surveiller que tout se passe bien, mais heureusement, le réfrigérateur n’est pas loin…
Fermeture de la coupole à 6h40.
Jeudi 17 décembre, débout à 14h30, le ciel est d’un bleu parfait, aucun nuages ne vient perturber ce « doux matin », nous nous rendons à la coupole du T80 pour y traiter les données de la nuit.
Cette nuit s’annonce belle car à l’œil nu des milliers d’étoiles sont visibles, mais il persiste un vent froid du nord qui se sent même dans la coupole, cimier ouvert.
Vers 18h30, nous mettons le télescope en route pour suivre notre astéroïde, mais les premières images nous montrent que le vent dégrade les images par une forte turbulence, elles devraient être exploitables malgré tout.
Luc, qui travaille actuellement sur le télescope de 1,93m, nous rend visite vers 23h.
Vers 3h du matin, l’astéroïde est trop bas pour avoir des images correctes, nous décidons donc pour nous faire plaisir de réaliser des photos d’une petite galaxie mais la deuxième photo est voilée par des nuages, après vérification il s’avère que le ciel est entièrement couvert. C’est un peu le problème dans une coupole car en fait nous ne faisons plus attention à l’état du ciel.
Nous décidons de tout arrêter et de rentrer dormir d’autant que quelques petits flocons de neige commencent à tomber.
Vendredi 18 décembre, surprise au réveil, il a neigé dans la matinée et l’observatoire est à présent sous une pellicule blanche de 4 cm, un coup d’œil sur le ciel : pas de trace du Soleil… notre dernière nuit serait-elle compromise ?
Retour à la coupole, nous traitons comme à l’habitude les images de la veille, quand en début de soirée le ciel se découvre miraculeusement et laisse présager un nouvelle belle et froide nuit étoilée. Nous ouvrons la coupole avec la crainte que de la neige tombe sur le télescope mais, à part quelques petits flocons, rien…
Pour terminer cette mission, nous décidons de nous faire plaisir, nous allons faire des images d’objets astronomiques, première cible : M33 enfin plus exactement une petite partie de M33 car cette galaxie est environ 10 fois plus large que le champ que nous avons.
Deuxième cible : M1 qui rentre juste dans le champ. Nous restons impressionnés devant ce télescope qui permet d’avoir des étoiles de magnitude 18 en une pose de 5 minutes seulement, rien à voir avec nos télescopes d’amateurs !
Troisième cible : la tête de cheval dans la constellation d’Orion.
La nuit se poursuit avec d’autres cibles… il fait -5°C dans la coupole et l’impression de froid augmente avec la fatigue à chaque fois que nous allons tourner la coupole ou pointer le télescope.
Nous nous couchons vers 6h, le départ est prévu pour 10h, le chauffeur, Olivier, s’est couché vers minuit afin de ne pas s’endormir au volant.
Fin de cette mission, suite au mois d’avril avec le Télescope de 1,20m toujours à l’OHP.