Classification des GTS selon Waldmeier 7

Ce petit article sans prétention va présenter mes observations du Soleil et plus particulièrement faire une analyse sur la classification des GTS (Groupes de Taches Solaires) selon la description de Waldmeier. (Max Waldmeier : 1912 – 2000).

J’ai fait mes premiers pas d’observation solaire en 1980, sous l’impulsion de M. Henri Kern, notre regretté Président d’Honneur. Il m’a mis en contact avec M. Koeckelenberg, directeur de l’époque au SIDC (Solar Influences Data Center), basé à Bruxelles. C’est à partir du 7 mai 1981 que mes observations deviennent systématiques et quotidiennes, Wittelsheim se voyant alors répertorié parmi les nombreux observatoires d’amateurs et de professionnels réunis contribuant aux statistiques du SIDC. Depuis trois cycles undécennaux de notre astre du jour, mes observations constituent une base stable et uniforme avec un instrument toujours le même : lunette de 60 mm de diamètre et 700 de focale, un oculaire donnant un grossissement nominal de 39 fois, un filtre pleine ouverture de 1/4000 plus une bonnette supplémentaire de grade 5 sur l’oculaire.

Au vu de grands GTS, j’ai eu le pressentiment que certaines taches devaient être visibles sans grossissement. C’est à partir de juillet 1991, que j’ai ajouté le dénombrement systématique des GTS visibles sans grossissement. J’ai commencé avec pour seul filtre du film argentique N&B monté dans un « passe-diapos ». A partir de 1999, j’ai opté définitivement pour des lunettes « vise-éclipses » en acétate teinté dans la masse. A mes débuts, j’ignorais l’existence du Groupe A-Netz de Zurich qui regroupait justement des observateurs sur ce thème. Je peux donc dire que j’étais en France un pionnier de la manipe, sans savoir si un jour mes observations seraient exploitables. C’est M. Keller, directeur du A-Netz à l’époque, qui a pris contact avec moi ayant eu vent de mes observations. Par quel chemin détourné m’a-t-il repéré ? Cela restera un mystère… Il est venu à Wittelsheim pour présenter ses travaux à l’Assemblée Générale du GFOES (Groupement Français pour l’Observation et l’Etude du Soleil). Cette conférence en allemand a été brillamment traduite en simultané par Jean-Luc Graff, membre du CAW. C’était le 6 juin 1992, et depuis le mois d’octobre 1992 la « Commission des Wolf » du GFOES a ajouté le nombre « A » à son actif. C’est donc maintenant la « Commission des Wolf et A ». (A = Auge en allemand, i.e. œil).

A partir du mois d’août 1998, j’ai ajouté systématiquement la classification des GTS selon l’échelle établie par Waldmeier. Au début, j’ai multiplié par 3 ou 4 le temps nécessaire à l’observation. Par la suite, la classification devient quasiment instinctive et donc très rapide.

LA CLASSIFICATION DES GROUPES DE TACHES

(Échelle établie par WALDMEIER)

A: Une tache isolée ou un groupe de taches sans pénombre ni structure bipolaire.
B: Groupe de taches avec structure bipolaire mais sans pénombre.
C: Groupe de taches bipolaire, dont l’une des taches principales est entourée par une pénombre.
D: Groupe bipolaire dont les taches principales possèdent une pénombre. Au moins une des deux taches principales possède une structure simple. En général, la longueur du groupe est inférieure à 10° (120000 km).
E: Grand groupe bipolaire, les deux taches principales sont entourées de pénombre. Il possède une structure complexe. Beaucoup de taches plus petites se trouvent entre les taches principales. La longueur du groupe est au moins égale à 10°.
F: Très grand groupe bipolaire ou groupe de taches complexe, la longueur est de 15° minimum (120000 km à 180000 km).
G: Grand groupe bipolaire sans petites taches entre les deux taches principales. La longueur du groupe est de 10° minimum.
H: Tache unipolaire avec pénombre. Le diamètre est supérieur à 2,5°
J: Tache unipolaire avec pénombre. Le diamètre est inférieur à 2,5°.

Ci-dessous mes observations systématiques des GTS selon la classification de Waldmeier.

Plusieurs lectures de ce tableau sont possibles.

Si on regarde uniquement les lignes du bas, on trouve une indication intéressante, la proportion des divers types observés. Pour un total de 10 784 GTS, la classe G est la moins représentée avec seulement 5,3 % et la classe C est la plus représentée avec 23,8%.

Si on lit le tableau dans son déroulement vertical, on peut être intrigué par un nombre assez important de « lacunes » entre décembre 2006 et janvier 2009. Que le lecteur soit rassuré, ce n’est pas par manque d’observation.  Tout simplement pendant 2 années au-moins, la photosphère du  Soleil était quasiment dépourvue de taches. D’autres « trous » plus ponctuels sont également visibles : mai et juin, puis septembre et octobre 2010 ou encore septembre 2012. Ils sont dus à mes longues marches sur les GR de France et de Navarre, ne laissant que quelques jours d’observation en début ou en fin de mois. Et enfin, le mois d’avril 2011 pour lequel j’ai hélas égaré mes observations.

Ce qui ne peut pas paraître dans un tableau chiffré, c’est mon analyse que je vous propose maintenant. Contrairement à mon pressenti, l’échelle de Waldmeier n’est pas une classification évolutive, mais uniquement une classification morphologique. En aucun cas un groupe passera de la classe A à la classe D ou E par exemple, ni de H à A ou vice versa. Tout au plus, on peut remarquer quelques évolutions de C à F ou de H à J, dans un sens comme dans l’autre.  Une analyse plus fine montre que les proportions des groupes A ou B augmentent en début de cycle. Un GTS de type A ou B a une vie de l’ordre de 2 à 3 jours maximum et parfois moins de 24 heures. Quant à la classe F, sa fréquence augmente en fin de cycle. Un GTS de type F est très stable et peut perdurer pendant plusieurs rotations du Soleil, soit parfois pendant 4 à 6 mois. Le distinguo entre H et J n’est pas du tout évident et reste souvent subjectif.   

Enfin, vu l’expérience acquise, je serais tenté d’introduire une classe supplémentaire que je pourrais appeler L (comme Limbe). 

J’ai observé ce jour-là à 10 h 30 TU.
J’ai noté 1 H et 1 J au Nord ; 1 C, 2 F et 1 H au Sud.
Le groupe H très près du limbe émergeant (hémisphère Nord) a été confirmé les jours suivants.
Mais ça aurait pu être la tache de tête d’un groupe E ou F.
D’où mon idée d’introduire la classe L, pour les groupes très près du limbe.
Courtesy of SOHO/[instrument] consortium. SOHO is a project of international cooperation between ESA and NASA.

En effet, lorsqu’un GTS est très près du limbe, la déformation de sphéricité est importante, et une partie du GTS est souvent sur la face cachée. Cela peut durer 2 à 4 jours pour chaque GTS émergeant à l’Est  ou disparaissant à l’Ouest. Sans la création de cette catégorie, on augmente dans une proportion non négligeable les classes H et J au détriment des classes F ou G par exemple. D’ailleurs, dans le même état d’esprit, le SIDC distingue les zones proches du centre solaire et celles proches du limbe. La déformation par sphéricité pose des limites quant à la forme des GTS mais aussi pour le dénombrement des taches individuelles.